Le dépôt archéologique de l’École biblique et archéologique française à Gaza est en danger. visionscarto reproduit ci-dessous le courrier, envoyé le 10 septembre 2025, de deux chercheureuses associé·es à l’École biblique et archéologique française, Institut français du Proche Orient, qui a prévenu les plus hautes instances françaises pour tenter de sauver la culture matérielle et ethnologique de l’archéologie de Gaza.
« Pour une fois nous allons assister à la destruction du patrimoine de Gaza, destruction annoncée depuis ce matin par l’armée israélienne, en direct. Nous avons gagné quelques heures sur les 30 minutes que l’on nous avait donné ce matin. Quelques heures de répit avec le soutien du Patriarcat pour sauver quelques pièces de la destruction du dépôt archéologique de l’École biblique et archéologique française à Gaza…
Carte de l’état des lieux du patrimoine de Gaza en guerre (mise à jour : juillet 2025).
Projet : Gaza, inventaire d’un patrimoine bombardé
Comment sauver 180 m3 d’artefacts, des dizaine de milliers d’artefacts qui représentent 25 années de travail en quelques heures… Il faudrait plus d’une dizaine de jours dans les conditions actuelles de Gaza pour tout sauver et encore ?
Demain ce sera toute la culture matérielle et ethnologique de l’archéologie de Gaza qui aura disparue.
Les plus hautes instances françaises ont été prévenues,
Si vous avez des idées n’hésitez pas, l’exécution devrait avoir lieu lieu ce soir ou au petit jour [c’est-à dire jeudi 11 septembre]. »
René Elter
archéologue, chercheur associé Ecole biblique et archéologique française, Institut français du Proche Orient.
Chantal Verdeil
Professeur des Universités à l’Inalco (Paris)
Histoire du monde arabe contemporain
Directrice du CERMOM
Le blog « Gaza, inventaire d’un patrimoine bombardé » a publié une carte et une liste des lieux du patrimoine bombardé de Gaza.
Le 11 septembre 2025, le site Terre Sainte a publié un article qui détaille les conditions du sauvetage des objets :
Le dépôt archéologique de l’EBAF : un atelier de travail pour les archéologues qui non seulement inventorient mais aussi restituent les objets.
Photo : École biblique et archéologique française à Gaza.
Les archéologues dominicains Dominique-Marie Cabaret (à gauche) et Jean-Baptiste Humbert (à droite) dans l’entrepôt de Gaza.
Photo : École biblique et archéologique française à Gaza.
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Le 16 septembre 2025, Nicolas Wadimoff, producteur et réalisateur suisse, postait ce commentaire sur les réseaux sociaux :
Il y a quelques années, lors du tournage du film « L’Apollon de Gaza », nous nous étions rendus dans les locaux gérés par l’école biblique et archéologique française de Jérusalem, à Gaza (EBAF), où étaient entreposées des milliers de pièces archéologiques des périodes byzantines, romaines, hellénistiques. Des objets récoltés au cours des dernières décennies, dans la terre de Gaza, et soigneusement restaurés et protégés par cet homme, Fadel Alotol, qui a fait ses classe auprès des archéologues frères dominicains de l’École biblique.
Hier, dans la folie meurtrière et destructrice menée par l’armée israélienne, l’immeuble qui abritait le dépôt, déjà outrageusement pillé par les soldats de Tsahal, a été totalement détruit. De ce lieu, il ne reste rien. Plus rien.
L’opération en cours ne vise pas seulement à effacer une population, les Palestiniens de Gaza, mais aussi une terre et son histoire. Son passé, son patrimoine, tout ce qui pourrait rappeler l’existence de la Palestine. Tout, absolument tout. Jusqu’au dernier caillou, jusqu’au dernier brin d’herbe. Effacer, faire disparaître. Toute trace de vie. Toute existence.
Et il faut encore prendre du temps pour justifier le nom que l’on donne à cette entreprise mortifère ! Oui, il s’agit bien d’un génocide, dont l’objectif est reconnu par ceux-là même qui le commettent.
Les amphores byzantines et les vases grecques ont été pulvérisés, les vies de dizaines de milliers de personnes réduites à néant, des quartiers entiers rasés. » [...]
Fadel Alotol dans les réserves de l’école biblique et archéologique française (EBAF).
Photo : Nicolas Wadimoff.
La destruction des locaux de l’école biblique et archéologique française (EBAF) à Gaza.
Photo : Fadel Alotol.
Le 17 septembre 2025, le site The art newspaper revient sur les conditions de l’évacuation des objets :
30% of artefacts were left behind and destroyed in the attack on Gaza’s main archaeological storage facility. »
Objects that could be saved were transported by trucks before the storage facility was destroyed.
Photo : Fadel Alotol.
The EBAF storage facility, which had already been damaged by previous strikes.
Photo : Fadel Alotol.
Not all objects were saved from the strike. “Unfortunately, the evacuation was not completed. Seventy percent of the artefacts were transferred, and 30% remained,” Al-Utol says. The majority of the items that remained on site are believed to be ceramics and lapidary objects.
Al-Utol, who has dedicated his life to protecting Gaza’s heritage, is deeply affected by the destruction. “It feels as if I lost one of my children,” he says. He says the evacuation was overshadowed by constant concern for the safety of those involved, and family and friends still “trapped in Gaza”. »